Rencontre au parc [Terminay !]

Shakti était en temps en normal une hybride nocturne. Seuls les cours empêchaient ce régime habituel. Alors forcément, en week-end, elle se laissait aller! Bref, la soirée du samedi s'était résumée à voir les fiches de présentations des élèves, tasse de café à la main. C'était plutôt banal, on sentait les élèves qui voulaient paraître correctes... A quelques exceptions près. Y avait eu Maska qui lui avait fait écarquiller les yeux. Le tutoiement, direct. Aucun respect... A se demander s'il savait que le questionnaire c'était elle qui l'avait écrit! Enfin, peu importait. Après une toilette, abrutissement de la télé jusqu'à prendre son second repas de la journée, qui l'a mit d'applomb pour le reste de la soirée. S'ensuivie une sortie dans les quartiers toujours éveillés de la ville. Casino, billard, baby foot, le tout mêler à de l'alcool, puis faire la lèche-vitrine, s'attarder dans les cabines d'essayages pour faire ses repérages pour les futurs soldes à venir... Dernier repas de sa journée, le matin arrivant, un peu de balade digestive, pour finalement se retrouver au parc.

En sentant que le soleil serait agréable, Shakti hésita alors entre rester ici et rentrer chez elle pour se laisser entrainer par le sommeil. La flemme de marcher plus couplée au cadre verdoyant la convainquirent de rester là. Elle monta dans le premier arbre qui vint, se choisissant une haute branche, histoire de bien s'exposer à l'astre du jour. Elle s'étendit, sur le dos, bras croisés derrière la tête, sa queue pendant dans le vide. Elle s'endormit... Pas longtemps seulement! Un piaillement d'oiseaux la réveilla. Sa main se tendit rapidement vers le nid proche qu'elle n'avait jusqu'à pas remarquée, étant pressée par le besoin de dormir. Sentir la tête du volatile craquer sous ses dents lui fit un bien fou... Après cette petite gourmandise, ses paupières se refermèrent. Les cris des enfants ne la gênaient pas vraiment, ni le bruit des voitures, plus loin. Ca faisait partie de la mélodie de fond qui l'aidait à dormir...

Cependant, un son intrus l'éveilla à nouveau, quelqu'un qui venait vers elle. Ou vers son arbre. Shakti n'aimait pas trop se faire surprendre. Et puis elle n'était pas partageuse! Elle se radoucit en constatant que la personne ne convoitait pas son domicile temporaire mais était là pour profiter du calme. Il accompagna l'ambiance d'une ballade que Shakti connaissait... Fallait dire que les radios l'avaient mitraillé pendant un certain temps! Bref, cela achevait d'apaiser la marguay. Certes la voix n'était pas celle de James Hetfield, mais ça n'était pas trop désagréable. Endormant.

Tout de même titillée par sa curiosité, elle se tourna sur le ventre et jeta un coup d'oeil en bas. Elle fronça les sourcils. Un hérisson brun... Ces pics poussant n'importe comment, cette silhouette, ça lui disait un petit quelque chose... Elle descendit de quelques branches, comme si ça l'aiderait à mieux se souvenir qui était ce musicien. Il y avait autre chose de familier. Quelque chose dans la voix. Mais quoi? Qui était-ce? C'était un adulte apparemment... Quelqu'un aperçu dans une soirée? Ou tout simplement dans un bar, ou bien un resto? Un musicien d'un groupe de cabaret? Une personne passé à la télé? Ou même un collègue? Un ancien camarade d'école? Des hérissons bruns, le problème, c'est qu'on en trouvait partout. Mais celui-là, elle était certaine de l'avoir déjà vu, peut-être de lui avoir parlé! Soit une ancienne connaissance qu'elle n'avait pas revu depuis longtemps, ce qui expliquait pourquoi elle avait du mal à mettre un nom sur l'hybride... Soit quelqu'un passé en coup de vent et qui avait accroché son attention.

Trouvant à son goût la dernière branche que son pied ait foulé, elle s'y assis à cheval et attendit que le hérisson termine de jouer, ne prêtant plus vraiment attention à la mélodie agréable, mais ayant quand même la politesse de ne pas arrêter le musicien... Quand elle reconnut la fin, elle s'empressa de parler, avant qu'il enchaîne autre chose directement.

"Vous seriez pas un peu matinal vous?"

Oui, c'était banal, et puis elle pouvait parler, vu à l'heure à laquelle elle se couchait, mais elle se fichait de la question... Ce qu'elle voulait, c'était provoquer l'étonnement chez le musicien, ainsi surpris, car il était clair qu'il ne l'avait pas aperçue jusque là... Et il n'avait pas pu l'entendre descendre de quelques étages, vu la discrétion dont elle avait fait preuve. Sa phrase contrastait énormément avec le calme qu'il y avait, le déchirant par la petite note sarcastique qu'elle avait glissé dans sa voix. Elle avait hâte de voir la réaction du hérisson, et elle était avide de voir son visage, qui lui donnerait peut-être l'élément manquant à l'énigme de "mécékibôrdel". Déjà un air malin s'était glissé sur le visage de la marguay, un pli légèrement moqueur aux lèvres, à l'idée de la tête que l'autre allait afficher...


[H-RP]J'confirme: m'étonnerais que j'puisse jouer à SSBB ce soir Au fait, y a très certainement des fautes, je poste sans utiliser de correcteur orthographique, et pis j'me relis pas non plus >.>[/H-RP]

Viko fermait les yeux tandis que ses doigts parcouraient le manche de sa gutare acoustique. Cette bonne vieille ballade à la guitare électrique passait toujours aussi merveilleusement bien dans un son plus classique. C'était un bonheur pour le hérisson assis sur l'herbe et adossé sur l'arbre. Du coin de l'oeil, il avait observé quelques passants qui s'étaient arrêtés pour l'entendre jouer.

Puis le morceau toucha à sa fin et le musicien resta quelques instants silencieux, profitant du calme du parc en ce doux matin. Le bruissement des arbres, le vent filtré par les branches...le bruit de la nature, la plus belle musique au monde...

"Vous seriez pas un peu matinal vous?"

Le prof rouvrit les yeux soudainement. Cette voix ne se tenait pas devant lui, mais avait un petit ton sarcastique voulu. D'où pouvait t-elle venir ?
Viko déposa sa guitare à côté de lui et, toujours assis, tourna la tête pour voir qui lui avait adressé la parole.
La voix était venue des hauteurs.

Le hérisson sursauta légèrement quand il vit une margay accrochée à une branche de l'arbre auquel il était adossé. Un sourire légèrement moqueur s'était glissé sur le visage de cette personne qui le fixait toujours.
Le musicien, n'ayant toujours pas dit un mot, détacha son regard de cette personne et se gratta la tête. Il avait rêvé ou quoi ? Non apparament quand il redéposa son regard dans les yeux de la Margay.
Il haussa un sourcil quand il vit une plume accroché à la bouche de l'hybride...m'dites pas qu'elle a bouffé un piaf ? o.ô

Et enfin, le prof reconnu cette personne : la fol...heu, Shakti, la prof de maths du lycée ! Viko ne pensait certainement pas la revoir dans ces conditions. En tout cas, elle le dévisageait aussi apparament, et ça ne semblait pas une bonne surprise pour elle de le revoir. Bon, on fait comme Jenkins, on tente de faire outre cette affire à la salle des profs !

"Mon réveil a fait des siennes, on va dire..."

En effet, le dimanche, le hérisson était un gros loir qui pionçait jusqu'à midi au moins.
Le fait qu'il revoit Shakti dès maintenant le gênait légèrement. Viko n'avait guère envie de se mettre sur la gueule avec quelqu'un, surtout avec elle, connaissant un peu son tempérament de feu à cette Margay.
Il prit sur soin, et continua :

"Euh...vous voulez vous asseoir peut-être ?"

H.S : bah, on trouvera un autre jour pour SSBB alors. Au fait, c'est quoi la culeur des paroles de ton perso ? J'éditerai quand j'aurais la réponse.

[H-RP]Dsl du retard! Pas pu poster mardi, car j'ai découvert qu'il y avait un DNS à faire en physique pour la rentrée... Hum, bref, j'ai bossé toute la journée dessus, une vraie salté! Hier et avant-hier encore, j'étais en train d'essayer de terminer les exos... Résultat, j'ai pas tout fait! Ah, et il me sera de plus en plus difficile de venir sur internet. C'est certainement le dernier vendredi où y a pas DS le lendemain... Et en gros, les profs font tout pour nous surcharger le week-end, donc je m'y mets dès demain, possible qu'on me voit pas![/H-RP]



Comme prévu, l'hybride avait sursauté. Il avait posé son instrument à côté de lui, puis tourné la tête. Le visage flasha dans la mémoire de Shakti. Le sourire de la marguay était devenu froid, encore un peu de frustration supplémentaire, et une moue dégoutée aurait déformé les coins de sa bouche... A peine le hérisson s'était-il tourné qu'elle l'avait reconnu. Le prof de musique. Ah, il ne lui avait pas du tout fait bonne impression celui-là! Draguant invétérément tout ce qui était féminin dans la salle des profs, et puis affichant un air supérieur, pseudo-désinvolte alors qu'il les traitait de gamins... Puis remarquant sur la fin que plusieurs adultes n'avaient pas aimé son attitude, il avait alors essayé de se faire plus affable... Ce qui lui ajoutait pour caractéristique d'être hypocrite! Connard! Et puis il avait cet air débile alors qu'il la regardait. Il se détourna, comme s'il n'en croyait pas ses yeux, sans doute ne savait-il pas que la plupart des félins étaient de très bons grimpeurs. Encore un mauvais point pour l'intelligence du prof de musique! Et maintenant, il l'observait à nouveau. Elle fit de même. Il avait vraiment une tête à claque... Il avait haussé un moment un sourcil, observant un point sur son visage, autre que ses yeux. Puis il revint sur ses pupilles... Et là, un changement se fit dans le regard de Viko. Ca y est, il l'avait reconnue. Il avait apparemment récupéré assez d'informations pour répondre.

"Mon réveil a fait des siennes, on va dire..."

Réponse simple, sans rire débile l'air de dire "moi chuis une personne aimable, un peu bourrue, un peu provençale sur les bords, mais sympathique!"... Il n'avait pas l'air d'être plus qu'elle très enthousiasmé par la rencontre que leur avait imposé le hasard....

"Euh...vous voulez vous asseoir peut-être ?"

Shakti fit un sourire moqueur. Apparemment, Viko s'essayait à la courtoisie... Sans doute pour essayer de repartir sur des meilleurs bases avec elle, ou pour paraître affable. Elle prit un ton à la fois mielleux et acide, jouant en même temps l'innocente alors qu'elle faisait une moue faussement gênée.

"Mais voyons... Je suis déjà assise!"

Elle compléta sa remarque d'un soupire faussement désolé. Elle haussa les épaules avant que son sourire calculateur se replace sur son visage. Elle se laissa aller vers l'arrière, son dos se câlant contre l'écorce de l'arbre, bras croisés derrière la tête et genoux repliés alors que ses deux pieds étaient maintenant en contact avec la branche. Elle adopta cette fois-ci un ton complaisant.

"Et même très bien assise..."

Il allait certainement penser qu'elle disait ça pour être agressive, pour lui renvoyer à la figure ses essais de sympathisation. Shakti montrait en fait que quelque soi le comportement qu'aurait Viko, elle voulait rester naturelle. Ce n'était pas parce que lui aurait décidé d'un coup de faire "ami-ami" qu'elle allait devenir toute gentillette. Mais ce n'était pas son but non plus de se mettre Viko plus à dos. Elle laissa son sourire s'évanouir, et regarda droit devant elle, avant de reprendre la parole sur un ton dépourvu de toute superficialité.

"Ne prenez pas mes actes et mes dires comme une attaque personnelle, j'ai la très mauvaise habitude d'ironiser, quelque soit la situation, et de jouer la comédie... Mais quand je dis que je préfère rester là, c'est la vérité, vous, vous aimez peut-être rester par terre, les fesses dans l'herbe, mais moi ce que j'aime, c'est être en hauteur. Si ça ne me discréditait pas, en cours, je m'assaierais sur le bureau en tailleurs et au lieu de me déplacer dans la salle en marchant à même le sol, je sauterais de table en table!"

Shakti leva les yeux, observant par l'espace entre les feuilles le ciel qui s'illuminait, bleu clair. Ses oreilles étaient dressées alors que le piallement proche de quelques oiseaux lui écorchaient les tympans. Elle se demandait vaguement ce qu'allait faire Viko. Peut lui importait, qu'il parte, qu'il se remette à jouer ou qu'il essaie de lui taper la causette, ça ne la dérangeait pas! Par contre, s'il commençait à lui chercher des noises, là, elle ne s'en ficherait pas!

[H-RP : Bon, déjà dis mais occupe toi de tes études avant de t'occuper d'un simple post. T'as pas à être désolée. En tout cas, bonne chance pour ton DS de 4H samedi]

"Mais voyons... Je suis déjà assise!"

Viko doutait qu'elle répondrait ça. Après tout, il aurait fait pareil, se tenant un peu à l'écart. C'est que le hérisson, et ça il se l'avouait à contre-coeur, n'avait guère été agréable à la salle des profs. Il s'était énervé comme tout les autres, pour finalement repartir en se mettant quand même tout le monde à dos. Enfin...tout le monde semblait à dos avec tout le monde on va dire, ils ont tous leur part de responsabilité.
Sans se retourné, l'hybride entendait son collègue de boulot se mettre dans une autre position. Une feuille tomba sur le nez du guitariste, et la retira d'une pichenette.

"Et même très bien assise..."

Le ton qu'elle avait pris était cette foi-ci avec une pointe de moquerie. revancharde et teigneuse apparemment. Le prof ferma les yeux et ne répondit pas. Il laissa juste échapper un petit soupir. 'fallait vraiment re-arranger le tir avec le reste des profs. Bon, hormis Brush et Jenkins, eux, c'était fait.
Un petit blanc s'installa dans la conversation avant que la margay reprenne :

"Ne prenez pas mes actes et mes dires comme une attaque personnelle, j'ai la très mauvaise habitude d'ironiser, quelque soit la situation, et de jouer la comédie... Mais quand je dis que je préfère rester là, c'est la vérité, vous, vous aimez peut-être rester par terre, les fesses dans l'herbe, mais moi ce que j'aime, c'est être en hauteur. Si ça ne me discréditait pas, en cours, je m'assaierais sur le bureau en tailleurs et au lieu de me déplacer dans la salle en marchant à même le sol, je sauterais de table en table!"

Toujours les paupières fermées, un léger sourire amusé se marqua sur le visage e Viko. Il s'imaginait bien là Shakti bondissant de table en table à énumerer des formules mathématiques. Il reprit sa guitare en étouffant un léger rire.

"Bah, z'êtes comme ça : franche, et je peux pas vous en vouloir. Après tout, j'ai pas été très glorieux à la salle des profs non plus."

Il tendit juste devant lui sa main toujours bandée dans le pansement que lui avait fait l'infirmière, et l'observa en riant de lui même :

"J'ai même eu le droit à ma punition..."

Viko ne riait pas, mais se moquait de lui même plutôt. Tu l'avais mérité, se disait-il.
Et puis bon, se que le hérisson cherchait plutôt, c'était de bien s'entendre avec ses collègues, pas obligatoirement de devenir ami avec eux. Quoiqu'avec Brush, il s'entendait super bien ^w^
Enfin bref...maintenant, c'était à la margay de voir si elle voulait repatir en de bons termes, ce qu'il esperait mais y avait plus qu'à attendre une réponse. Le prof reprit sa guitare et gratouilla encore en attendant que sa collègue reprennen la parole.

"M'sieur, attention !"

"Gneh ?"

SBAM !

Il n'avait pas vu le coup venir. Un truc qui ressemblait à une balle de foot avait percuté de plein fouet son visage. Le hérisson, bien qu'assis, tomba à la renverse en lâchant son instrument.
Toutefois, le prof savait encaisser. Resté à terre quelques secondes, il se releva en se secouant la tête, et vit le projectile...

Mouais, c'bien une balle de foot que des gosses ont du décocher sans faire exprès. Il grommela en prenant le référentiel bondissant (houla le terme technique) et se retourna vers les gosses qui se tenaient un peu en retrait, de peu de se faire gronder. Sans aucune réponse, Viko décocha un coup de pied, renvoyant doucement le ballon dans les mains d'un des enfants. Il leur fit signe que ce n'était pas grave, reprit son instrument et se rasseye en passant la main sur son visage.
L'hybride grimaça légèrement, un petit rictus de dégout apparaissant sur son visage. Un peu de sang coulait de son nez apparemment.

"J'ai p't'ête pas assez été puni finalement..."

Sur le coup, Viko se disait qu'il n'avait jeté aucun regard à la margay, l'ayant totalement oublié à cause de ce violent évènement. Il se demandait quand même quelle tête elle faisait.
Entretemps, la vue du prof s'embrumait légèrement sous l'odeur du sang...bizarrement, il somnolait quand son nez saignait...pas assez pour pioncer mais bon.

[H-RP]Comme toujours, je ne relirais pas le post, cependant, attends-toi à un truc long! Tu vas découvrir les délires mentaux de Shakti dans toute leur splendeur...[/H-RP]


Bon... Elle avait fait un peut rire Viko. Un petit rire gentillet, le genre de rire timide que certains lachent pour faire bonne figure!

"Bah, z'êtes comme ça : franche, et je peux pas vous en vouloir. Après tout, j'ai pas été très glorieux à la salle des profs non plus."

Fort le gars... Il la cotoyait un peu et en déduisait immédiatement qu'elle était franche! Non, Shakti n'était pas franche, elle l'était seulement dans certains cas, quand elle voulait se mettre en valeur, et justement "avoir l'air franc". Son franc-parler, c'était une façade, un genre qu'elle se donnait, pas pour paraître mieux aux yeux des autres... Pour sa propre satisfaction. Elle se jetait des fleurs en disant ce qu'elle pensait. Et surtout, elle aimait embrouiller les autres, et pour ça, le ton direct était une vraie arme! Dire des choses apparemment concrètes tout en cachant plein de sous-entendus derrière, ça c'était son dada. Laisser échapper des paroles sans queue ni tête, mais ayant des sonorités qui faisaient croire à d'autres par leur originalité qu'il y ait de la signification, c'était un de ses tours favoris. Et étaler sa science! Ca aussi elle adorait! Shakti aimait montrer qu'elle savait. De l'interprétation psychique des quelques manipulations qu'elle faisait à l'exposition de sa culture, ses sujets de conversation étaient en général voués à l'énorgueillir.

Viko rit à nouveau, puis parla.

"J'ai même eu le droit à ma punition..."

Toute suite la curiosité de Shakti fut éveillée. De quelle punition parlait Viko? A propos de quoi? L'autre jour? Il regrettait vraiment? Ou c'était juste pour se donner un genre? Viko ne parla plus et le son de la guitare reprit, plus léger. De manière presque diffuse, comme si Viko ne faisait pas vraiment attention à ce qu'il faisait. Shakti interpréta sa manière un peu brouillon de pincer les cordes comme un signe que l'esprit de Viko n'était pas rattaché à l'instrument, mais à de la réflexion. Ses pensées semblaient s'égarer, comme le son sortant de l'instrument.

"M'sieur, attention !"

Furtive, toute l'attention de Shakti engloba l'environnement, elle regardait le môme qui avait l'air le plus gêné. Et la balle qui fonçait.

"Gneh ?"

Ce qui était étrange, c'était que le concerné, c'était le hérisson, et pourtant, celle qui avait compris ce qui arrivait, c'était Shakti. Bah, elle ne pouvait pas donner ses réflexes au prof de musique! Dommage pour lui. Il semblait qu'il s'était vraiment égaré loin dans ses pensées pour autant de mal à raccrocher la réalité. Et bien sûr, la balle arriva droit sur Viko. Le hérisson glissa instantanément contre l'arbre, un air abrutit sur le visage. Ah oui, le retour au monde physique avait clairement été sans transition. Il avait pas encore réordonné ses pensées! Viko se releva, apparemment pas complètement remis du choc. Il shoota mollement dans le ballon. Shakti n'arriva pas à se décider quant à la raison de ce renvoi un peu faiblard: flemme? sympathie? manque de force après le coup reçu? Elle s'imaginait que c'était la troisième raison, alors qu'il se laissait tomber, soupirait et se passait la main sur le visage. Il avait reniflé, comme si son nez coulait. Mais ça ne serait certainement pas en raison d'un quelconque rhume. Un peu de sang, peut-être? Ce n'était pas grand chose...

"J'ai p't'ête pas assez été puni finalement..."

Encore cette histoire de punition. Shakti respira l'air. Oui, il y avait une odeur de sang. Il semblait fragile, le prof de musique! Enfin bon, si c'était arrivé à Shakti, elle aurait certainement saigné aussi. Quoique, elle, la balle, elle l'avait vu arrivé, donc déjà, c'était un coup en moins à recevoir dans le museau. Viko semblait avoir été mis en déroute, sa manière de jouer, maintenant qu'il avait récupéré son instrument, était encore plus confuse dans l'enchaînement des notes. Elle allait se rendormir si le rythme diminuait encore plus... Elle secoua la tête. Comment rester éveiller? Parler. Parler de quoi? Bah... De points communs qu'elle pouvait avoir avec Viko... Mais d'abord, elle devait mieux le connaître, pour mieux cerner l'individu, car pour l'instant, le peu qu'elle avait vu du hérisson n'était pas très glorieux. Il lui semblait trop lisse, et Shakti n'aimait pas les gens lisses! Alors maintenant, elle voulait casser ce manque de relief, voir s'il y avait un tant soit peu de subtilité chez ce hérisson. Elle voulait voir si elle était capable de passer outre ce qu'elle comparait à une coquille. Pas une carapace de solitude dans laquelle certains s'enfermaient, non. Plutôt comme un mur, qui se dressait entre les deux collègues. Un mur créé par la propre hostilité de Shakti, miroitant, et qui renvoyait une image en deux dimensions du hérisson. Oui, c'était ça qu'il manquait à Shakti, de percevoir une troisième dimension chez Viko, celle qui faisait qu'un individu dans la masse, perçu comme un stéréotype, pouvait acquérir une consistance plus personnelle, et ne plus être "un des autres" mais "cet autre".

La seule raison qui faisait que Shakti voulait faire vibrer l'image qu'elle avait de Viko, c'était parce qu'il était là, en bas, et parce qu'elle avait l'ocasion de peut-être le connaître, de le différencier, de l'étudier, et de peut-être s'y intéresser. Elle voulait voir si Viko avait oui ou non plus de profondeur qu'elle l'imaginait... Shakti se redressa quelque peu sur sa branche et jeta un regard en biais au hérisson qui semblait être détaché du monde qui les entourait. Oui, elle trouverait certainement quelque chose, sous la surface du hérisson. S'il pouvait s'égarer si facilement dans ses pensées, il y avait forcément un truc chez lui! Là, il n'était certainement pas en train de fantasmer sur une quelconque prof d'EPS, sa guitare expliquait à sa place qu'il était dans des songes sans doute moins matériels. Plus intelligents. Shakti se demandait ce qui se cachait dans la tête du prof de musique. Et elle était bien décidé à lui ouvrir le crâne en deux. Tout doucement pour commencer... Parler de choses banales.

"Parlez-moi un peu de vous. J'ai un peu écouté votre guitare, elle dit des choses sur vous, mais pas assez! Elle ne fait qu'equisser des choses incomplètes... Il me manque quelques détails à leur compréhension, et ces détails ne peuvent venir que de votre parole. Enfin racontez-moi d'où vous venez, depuis quand, pourquoi, comment, ce genre de choses! Racontez-moi votre nom, votre vie, votre esprit, vos goûts... Enfin racontez-vous! Puisque vous semblez tenir à coeur d'avoir de bons rapports avec les autres, montrez-moi qui vous êtes!"

Les mots de Shakti... Une démonstration de son amour pour la grandeur! Certainement qu'elle se donnait un genre de cette manière, mais surtout, elle adhérait complètement à cet esprit m'as-tu-vu. Cette manière de parler, pompeuse, ça n'était pas une simple apparence, c'était soudé à la nature de Shakti. Le fait qu'elle veuille faire tant d'effet était en harmonie avec son tempéramment. Shakti était une passionnée, ses pensées et ses paroles l'étaient aussi. Shakti n'était pas franche, mais exhibitioniste, oui! Elle aimait voir les esprits complètement nus, grelotants dans leur gêne d'être observés, ou bien rayonnants quand ils s'harmonisaient avec sa propre manière de penser... Alala, si ses élèves savaient que leur prof de maths voulaient mettre leurs cerveaux tous à poil, y en aurait qui se battraient pour les places au fond de la classe!




[H-RP]T'as vu ça, moi aussi j'suis capable d'utiliser un style méga-lourd avec des phrases à rallonge xD Excuse mon emploi de métaphores, mais c'est la manière de pensée de Shakti qui est comme ça. Shakti s'attarde beaucoup sur la psychologie, et ça fait que quand j'écris avec son point de vu, bah ça donne quelque chose de plus flou que quand j'écris normalement. Tu m'en voudras pas si ça donne un effet bizarre, hein...[/H-RP]

Il s'était tourné vers elle, mais moins surpris qu'elle s'y attendait. Il avait plus ou moins l'air blasé... Ou même surmené. Elle n'en comprenait pas la raison... Elle se demandait si c'était sa question qui avait fait naître cette fatigue, et que par politesse, il avait réussit à retenir un soupir d'ennui. Puis à peine un instant après, l'étonnement commença à brouiller l'aspect flasque de Viko, mêlé à une sorte de méfiance. Signe que c'était seulement maintenant qu'il réagissait à ce qu'avait dit Shakti et qu'il se posait des questions. Finalement son visage se laissa adoucir par un sourire, signe qu'il avait abandonné son questionnement, ou qu'il avait trouvé quelque chose de concluant, ce dont Shakti doutait...

"Alors avant tout..."

Viko s'était détourné. Shakti pensait qu'il faisait cela pour qu'elle ne puisse pas voir son expression, tandis qu'il cherchait quoi dire... Mais au lieu de ça, il déposa sa guitare, puis après qu'il eut porté les mains à son visage, elle l'entendit expirer bruyamment. Elle capta un regain dans les effluves du sang. Sans doute l'hérisson s'était-il dégagé le museau, et le liquide vital sortant à l'air libre était plus odorant qu'à l'intérieur d'un corps. Après ça, il remua pour faire elle ne savait quoi, pour finalement reprendre la parole... Sans se tourner vers elle cette fois-ci!

"Donc...par où commencer...Ah oui, je suis né d'un père hérisson et d'une mère de la même race...j'ai une s..."

Une soeur, comprit Shakti, bien que Viko n'acheva pas sa phrase. C'était dans l'ordre des choses, on commençait par les parents, puis par la fratrie... Et quand on utilisait l'article "une" c'était rarement pour mettre "frère" derrière... Par contre, ce que la marguay ne parvenait pas à deviner, c'était pourquoi Viko s'était interrompu en pleine phrase. Il laissait maintenant placer un silence, sans doute peuplé des pensées du hérisson. Soit il était submergé par des souvenirs, soit il cherchait un moyen de reformuler ce qu'il disait.

"J'suis fils unique...Ensuite, d'où je viens...je sais pas vraiment, j'ai énormément voyagé dans ma vie, mes parents travaillaient à l'étranger. Je sais juste que je suis né en France, mais je n'ai guère considéré l'hexagone comme ma "maison". J'ai surtout voyagé dans les pays du sud, et j'y ai cotôyé de formidables personnes qui m'on appris beaucoup de choses..."

Au ton moins assuré de Viko, Shakti déduisit en fait qu'il s'était passé quelque chose à sa soeur, pour qu'il se considère comme fils unique. Un accident physique grave? Non, elle ne pensait pas, ce n'était pas ça qui faisait que l'on considérait une soeur comme morte. Ou alors, il ne voulait tout simplement pas en parler. Ou alors, elle était dans le coma. Ou alors, l'hypothèse sur laquelle planchait le plus Shakti, la soeur avait de sérieux problèmes mentaux, qui faisaient qu'elle était handicapée à vie. Ou alors, il y avait eu scandale dans la famille, et il la reniait. Mais elle ne croyait pas trop à cette hypothèse, elle n'avait senti aucune colère vengeresse dans la voix de Viko. Plutôt des regrets... Et apparemment, il ne voulait pas en parler, et c'était pourquoi il préférait prétendre ne pas avoir de soeur. Il était possible aussi qu'il essaie d'évoquer le moins possible la situation de sa soeur, qui le faisait peut-être souffrir en permanence.

"J'ai toutefois dû rentrer en Europe pour mes études supèrieures...de l'art plus précisément. Je m'en suis tiré avec un diplôme en arts appliqués mais je ne m'en suis jamais vraiment servi...puisqu'est venu ceci..."

Et à ce moment-là, Viko avait reprit sa guitare. Shakti en déduisit que l'objet qu'il tenait avait du marquer un tournant dans sa vie. Une carrière musicale, sans doute. La marguay s'attendait à qu'il garde la guitare sur ses genoux et qu'il se mette à gratouiller tout en continuant de parler, pour que les notes s'accordent à ses pensées, mais non, il reposa l'instrument. Il l'avait donc pris juste pour illustrer la suite de ses propos.

"La musique...j'ai toujours adoré ces trucs qui font des sons. J'ai rencontré les membres de mon seul groupe de heavy-metal qui se voulait être un groupe aux textes totalements cons à la manière des Tenacious D...un sacré délire qui nous a fait une renommée mondiale d'ailleurs...puis ensuite..."

Il avait commencé en reprenant du poil de la bête, apparemment emprunt d'une nostalgie. Et il y avait eu cette nouvelle interruption. Là, Shakti pensa aussitôt que le groupe avait eu une fin tragique. Mort d'un des membres, dispute, train de vie insupportable, ou bien le fait qu'il était si difficile de réussir dans le monde du spectacle, l'un des domaines professionnels les plus injustes. Il avait parlé d'un groupe d'une renommée mondiale, donc elle retira presque aussitôt sa dernière hypothèse. Quant au Tenacious D, elle ne s'y attarda pas trop, certe elle connaissait le groupe, mais pour l'instant, ça ne l'intéressait pas, c'était le sens du silence de Viko qui l'intéressait le plus. Elle se demandait s'il allait finir par parler... Peut-être que le quelconque évènement l'ayant détaché du groupe était pire que ce qu'elle s'imaginait. Elle revit à la hausse la fin tragique alors qu'il sauta à nouveau un passage du récit, montrant clairement qu'il ne voulait plus s'attarder là-dessus.

"Puis bon, j'ai été contacté par le proviseur du lycée pour entrer dans l'établissement...v'là les grandes lignes de ma vie...pas de quoi en faire un roman quoi..."

Ou plutôt il n'avait peut-être pas envie de continuer. En tout cas, c'est comme ça que Shakti l'interpréta.

"Pis bon...mes goûts, mon esprit, ce que je suis...c't'abstrait ça...ah oui, je suis un hérisson banal, qui, comme la plupart des cons, prête une attention particulière à choyer sa bécane et regarde le rugby à la télé. Et bon...heum...quoi d'autre...ah oui, mais on s'en fout, j'habite juste le deuxième étage de l'immeuble là-bas."

Shakti suivit des yeux la direction pointée par Viko, mais elle n'y prêta pas beaucoup d'intérêt. Elle trouvait le hérisson réticent. Soit il n'aimait pas se prendre la tête, et donc parler de sa psychologie l'enmerdait, soit ça le gênait de parler de lui. Elle avait l'impression qu'il n'était pas du genre à tagiverser sur lui-même. C'était le genre de choses que Shakti avait du mal à imaginer. Elle était sans arrêt en train de se décortiquer, de chercher tous les aspects de sa personnalité, sauf quand elle avait un interlocuteur et qu'elle voulait étudier sa psychologie. Elle se demandait donc si le fait que Viko ne se posait jamais de questions à son propos n'était qu'une apparence. Elle ne concevait tout simplement pas qu'on ne puisse pas se livrer à l'introspection. Mais il était possible par contre qu'il évitait de se poser des questions, qu'il n'était pas l'un de ses centres d'intérêt...

"M'enfin bon...sinon, faut dire que vous avez raison sur le fait que ma guitare parle un peu pour moi...j'adore cet instrument, qui est un peu pour moi ma compagne de tout les jours...heureusement que j'suis célibataire, c'est un coup à se faire tuer par sa propre femme, dire ce genre de choses, alors je profite de ma liberté."

Heureusement encore qu'il était célibataire! Sinon son attitude envers la prof d'EPS dans la salle des professeurs aurait été encore plus honteuse! Enfin bon... Les mecs du clan de la marguay étaient bien pires...

"Et vous ? Que puis je apprendre de ma collègue prof de maths ?"

Une lueur s'alluma dans les yeux de Shakti. Elle aimait parler d'elle, autant qu'elle aimait percer la psychologie des gens... Par égoïsme, bien entendu, mais surtout pour ces besoins de théâtralité. Shakti adorait jouer des roles, ça l'amusait, et puis surtout elle aimait prendre au dépourvu ses interlocuteurs. A la base, elle voulait en savoir plus sur Viko, mais finalement, c'était lui qui la connaîtrait le mieux, vu le moulin à paroles qu'elle pouvait devenir. Le cartactère de prof de Shakti allait ressortir. Elle allait donner un cours à Viko, pour lui montrer comment il fallait faire pour raconter sa vie! Sans perdre l'équilibre, Shakti se mit debout sur la branche, puis sauta, faisant un demi-tour en l'air, arrivant droit devant le hérisson, toujours adossé à son arbre. Un sourire espiègle glissa sur la marguay tandis qu'elle s'assurait d'avoir bien capté le regard du hérisson. A sa manière le pauvre prof de musique venait de devenir une proie, que Shakti abattrait avec ses bavardages...

"Moi, j'ai eu une vie très banale. Je viens de la périphérie de Sand Ocean. Je vivais parmi un clan de marguay, dans les arbres, et j'y ai passé environ dix années de mon enfance."

Et c'est là que les commentaires descriptifs de Shakti allaient s'ajouter, pour pouvoir absorber Viko dans son récit. Elle s'assit à même le sol. Elle n'avait fait aucune pause, et son regard se perdit sur l'écorce de l'arbre, permettant à Shakti de mieux voir ses souvenirs.

"Puisque vous avez vécu dans les pays du sud, il est possible que nous n'ayons pas été très loin l'un de l'autre, sauf si vous êtes arrivé quand je suis partie. Dans ce cas, vous devez bien connaître la chaleur. Pour ma part, elle ne me dérangeait pas du tout. Après tout, quand on est gamins, on est pas très sensibles au chaud... Enfin c'était mon cas, je résiste moins aujourd'hui. C'était un chouette coin. En général on restait dans les arbres toute la journée, période de notre sommeil, et on glissait vers le sol au soir. Les adultes n'allaient pas beaucoup dans le désert, mais ils se fichaient qu'on s'y perdent, alors c'était notre terrain de jeux. Parfois on allait dans des oasis, à d'autres moments on s'installait sur les pyramides. Cependant il ne faut pas imaginer que c'était la grande complicité. Les relations entre marguays sont assez étranges d'un point de vue extérieur. Nous sommes certainement les hybrides les plus égoïstes au monde. Les seuls liens que nous exerçons sont créés par les besoins, il n'y a pas de sentiments très forts entre nous. Je pense que notre sexualité choquerait n'importe qui... Vous connaissez l'inceste? Eh bien avant d'arriver dans le monde civilisé, pour moi, ce n'était pas un acte contre nature. Chez nous, tout le monde couche avec tout le monde... Sauf les chefs, trop orgueuilleux... Bien sûr y a des exceptions chez eux, qui eux sont plus actifs encore que les marguays normaux."

Shakti laissa un nouveau silence passer. Elle laissa son regard couler vers Viko, jusqu'à fixer ses prunelles solaires. C'était ainsi qu'elle transmettait sa volonté ou son autorité... Là, par exemple, elle allait franchir une barrière sans demander l'autorisation du hérisson, celle du tutoiment. Shakti ne vouvoyait jamais très longtemps, surtout quand elle parlait comme elle le faisait.

"Et maintenant, nous en venons à ce que tu as abordé en premier, la composition de la famille. Mes liens sont, comme tu l'as peut-être compris, uniquement de sang. Mon père, je ne sais pas qui c'est, et je ne m'en porte pas plus mal. Ma mère a surtout représenté pour moi le pivot de mon enfance, mais là non plus il n'y avait pas de relation à proprement parler. Et j'avais deux frères. Mais eux, ils sont vraiment morts!"

Sa dernière phrase insinuait "pas comme ta soeur", elle montrait de cette manière qu'elle avait compris qu'il lui avait caché des détails. Elle évita de préciser que la mort de ses frères lui avait été en plus de ça utile. Elle ne laissa rien paraître et continua sur sa lancée.

"Même si notre clan peut paraître comme arrièré à cause de son niveau affectif, il n'en reste pas moins évolué. Les marguays stupides ou faibles sont assez rares... Et le niveau d'enseignement est adapté à la moyenne marguay, et nous apprenons plus vite que les autres hybrides et humains confondus. On a donc dès l'école primaire un programme très chargé, mêlant l'apprentissage normal et un entrainement physique. Suivant nos points forts, nous sommes ensuite classés comme futurs penseurs/diplomates ou exécutants. Moi, je devais faire partie de la deuxième catégorie, car je n'avais pas vraiment de faiblesses, et que ça ne plaisait pas aux chefs du clan de me laisser accéder à un rôle important. Oui, les chefs sont des machos... Par chance, nous les marguays sommes victimes du braconnage, et un de mes camarades scolaires s'est fait tué, donc j'ai pu prendre sa place. C'est ainsi que j'ai quitté la jungle."

Une nouvelle pause, comme pour cloturer un chapitre. Elle n'avait pas quitté Viko des yeux jusque là. Il était possible qu'il ressente une certaine pression à cause de cela, ce qui ne la dérangeait absolument pas. Cependant, elle se devait d'être un peu magnanime. Elle s'étira puis fixa ses yeux sur le branchage de l'arbre... Puis estimant avoir accordé assez de répit comme ça à Viko, elle laissa son regard retomber sur lui et se figer.

"Il y a eu ma période de collège. Les pires années de ma vie, certainement. J'étais l'élève la plus douée de l'établissement, pas de doute là dessus, mais relationnellement parlant, je n'étais pas glorieuse. Je n'avais aucun amis, et c'était normal, c'était une notion qui m'était inconnue, à cause de l'absence de liens entre marguays. Mais j'ai vite compris que je loupais quelque chose, et ça m'a rendue assez hargneuse. J'étais très jalouse des autres, à cause de ce qui les unissaient. Eux aussi avaient une dent contre moi. J'étais difficile à vivre, méfiante, et je récoltais toutes les bonnes notes. Je me suis beaucoup battue au collège, vu que la seule relation que je parvenais à créer, c'était celle de haine. Les professeurs... C'était assez mitigé. Les profs de langue, de sport et d'histoire ne m'aimaient pas. Quant aux autres, c'était variable. Certains profs de science semblaient presque m'admirer, ceux d'arts et de français étaient assez gênés car les travaux que je leur rendais reflétaient un aspect de moi assez profond, le même qui m'amène à t'alourdir d'un beau monologue. Un aspect qui ne s'accordait pas avec mon caractère taciturne."

Shakti laissa ses traits se détendre et esquissa un sourire, qu'elle adressait autant à Viko qu'à la suite de son récit, beaucoup moins pitoyable.

"Et les deux ans suivant le collège, c'était l'âge d'or! Je me suis complètement laissée allée. J'ai tout laissé tomber. Je me suis rendue dans un lycée où je ne connaissais personne. Un grand lycée où la masse nous perdait. Mon caractère a changé, subitement, ou plutôt j'en donnais une impression si convaincante que je m'y suis moi-même laissé prendre. Je glandais. J'arrivais en retard en cours, j'étais parfois absente pour prendre du bon temps, je n'écoutais pas en cours, je n'apprenais pas mes leçons, je ne faisais pas mes devoirs, sauf ceux qui étaient à rendre, et ce sont peut-être ces derniers qui m'ont permi de ne pas décrocher complètement. L'aspect joyeux de cette période, c'est que j'ai réussi à créer des liens, d'amitié cette fois-ci. Des liens très tenaces, qui existent encore aujourd'hui et qui ne cassent pas quand je teste leur résistance. Avec une joyeuse bande, on enchaînait fêtes le soir, apérot le midi, cigarettes lors des pauses ou des alarmes incendies... C'était souvent vers midi qu'on séchait, parfois le matin, quand on se couchait à pas d'heure. Mes notes baissaient, et au départ, j'étais assez frustrée, car je m'imaginais assez intelligente pour pouvoir conserver un bon niveau sans rien faire. J'aurais peut-être pu ne rien faire si j'avais au moins écouté les cours, au lieu de photocopier les notes des autres quand je faisais une sieste sur ma table. Je me suis reprise en main en terminale, car ça commençait à peser sur moi... Je ne me suis pas fait rejeter par mes amis, et au contraire, ils ont suivi mon mouvement. Finalement, j'ai eu mon bac avec une mention très bien."

Shakti baissa son regard sur l'herbe l'entourant. Elle arracha une touffe végétale, puis entreprit de la lacer avec une seconde, puis une troisième... Elle reprit la parole, tout en continuant son manège, libérant par la même occasion Viko de son regard inquisiteur.

"Après ça, je suis entrée en maths-sup/maths-spé dans un lycée prestigieux, et j'ai continué sur ma lancée en allant à Polytechnique, la deuxième grande école du pays... J'aurais aussi pu entrer dans la première, mais elle forme surtout des professeurs du supérieur, et ce n'était pas ce que je voulais faire à cette époque-là."

Shakti laissa un sourire amusé flotter sur son visage tandis qu'elle fixait sans les voir les herbes qu'elle continuait d'attacher entre elles.

"En fait, à cette époque, j'avais beaucoup trop d'ambition. J'avais loupé ma vocation en fait, pourtant, j'aurais adoré être professeur, lors de ma terminale, j'aidais mes camarades pour qu'ils rattrapent leur niveau en même temps que moi. En prépa, sur mon temps libre, je donnais des cours à des lycéens. A Polytechnique, lors des examens d'entrée, j'ai fait très bonne impression, car au cas-où tu ne l'aurais pas remarqué, je ne suis pas mauvaise oratrice. Et puis je suis devenue économiste, tout en gardant contact avec mon clan. Mais ça ne m'a pas plu longtemps, surtout parce que j'ai vite trouvé ce métier inutile. Les économistes sont des personnes d'un très haut niveau... Mais ce qu'on fait, ça sert à rien! Nous étions sensés prévoir l'évolution de l'économie, sauf qu'on se trompait tout le temps. Ce genre de choses, c'est imprévisible, le métier d'économiste, c'est juste une couverture pour le gouvernement, qui peut ainsi dire "vous voyez, tout devrait aller mieux", et à la fin de l'année, comme par hasard, tout ce qui est prévu est faux, archi-faux! Les économistes sont des voyants extra-luicides. Sauf qu'ils n'ont pas de troisième oeil mais un bagage scientifique en lequel on peut autant abandonner de confiance..."

En quelques secondes, Shakti avait eu le temps d'afficher quelques convictions politiques, et puis surtout son aversion pour les diseurs de bonne aventure. Elle ne savait pas si avec ça elle remonterait dans l'estime de Viko. De toute manière, ce n'était pas son intention.

"Après ça, j'ai passé une agrégation, et je suis devenue la même chose que toi, professeur! Pas dans la même matière cependant... N'est-ce pas?"

Et elle infligea à Viko un sourire piquant. Elle abandonna ses herbes enlacées puis regarda le hérisson en attente de réactions de la part de ce dernier. Il était clair qu'elle avait fini.

Bon...honnêtement, le prof ne s'était pas totalement ouvert...pas qu'il ne faisait pas confiance à la margay, non, mais certains souvenirs ne sont jamais bon à ressortir du placard. Il avait appris à vivre avec, se créant un personnage de prof sympathique, une sorte de masque...mais au final, il n'était pas aussi joyeux qu'il le faisait croire.

Puis vint le tour de Shakti de s'ouvrir un peu. L'hybride n'attendait pas énormement d'elle à vrai dire, mais bon, autant entendre ce qu'elle avait à raconter...et voir son acrobatie, au passage. Elle se mit debout sur sa branche et sauta dans un salto arrière, atterrissant devant le musicien. Ce dernier émit un sifflotement d'admiration. Décidément, elle avait plus d'un tour dans son sac, celle là.
Elle posa son regard sur celui de Viko, qui l'observa de même à travers ses lunettes de vue.

"Moi, j'ai eu une vie très banale. Je viens de la périphérie de Sand Ocean. Je vivais parmi un clan de marguay, dans les arbres, et j'y ai passé environ dix années de mon enfance."

Sand Ocean...ah, oui, il était déjà passé dans les environs lors d'un voyage. Le prof se remémorait un instant ces deux semaines passées là bas, un bien agréable séjour. Il avait entraperçu des margays dans les arbres, un jour.

"Puisque vous avez vécu dans les pays du sud, il est possible que nous n'ayons pas été très loin l'un de l'autre, sauf si vous êtes arrivé quand je suis partie. Dans ce cas, vous devez bien connaître la chaleur. Pour ma part, elle ne me dérangeait pas du tout. Après tout, quand on est gamins, on est pas très sensibles au chaud... Enfin c'était mon cas, je résiste moins aujourd'hui. C'était un chouette coin. En général on restait dans les arbres toute la journée, période de notre sommeil, et on glissait vers le sol au soir. Les adultes n'allaient pas beaucoup dans le désert, mais ils se fichaient qu'on s'y perdent, alors c'était notre terrain de jeux. Parfois on allait dans des oasis, à d'autres moments on s'installait sur les pyramides. Cependant il ne faut pas imaginer que c'était la grande complicité. Les relations entre marguays sont assez étranges d'un point de vue extérieur. Nous sommes certainement les hybrides les plus égoïstes au monde. Les seuls liens que nous exerçons sont créés par les besoins, il n'y a pas de sentiments très forts entre nous. Je pense que notre sexualité choquerait n'importe qui... Vous connaissez l'inceste? Eh bien avant d'arriver dans le monde civilisé, pour moi, ce n'était pas un acte contre nature. Chez nous, tout le monde couche avec tout le monde... Sauf les chefs, trop orgueuilleux... Bien sûr y a des exceptions chez eux, qui eux sont plus actifs encore que les marguays normaux."

Le prof acquiesça quant au fait qu'il connaissait bien la chaleur...par contre, son expression changea de suite après qu'elle entama la question de la sexualité :
Tout le monde couche avec tout le monde ? What the hell ! Viko ne cacha pas son étonnement quant au fait que chacun s'envoyait en l'air avec qui il voulait. Jusqu'à l'inceste...bon, soit. Il acquiesça silencieusement, après tout, chaque culture avait ses traditions.
Mais quand même, il se demandait du coup si cette Shakti avait un jour *censuré* avec des membres de sa famille...question qui restera sans réponses, surement.
Toutefois, si il n'y avait pas de réelles complicités entre margays, il se demandait comment deux de ces hybrides pouvaient entamer une relation assez sérieuse pour se donner à corps perdu à l'autre.

"Et maintenant, nous en venons à ce que tu as abordé en premier, la composition de la famille. Mes liens sont, comme tu l'as peut-être compris, uniquement de sang. Mon père, je ne sais pas qui c'est, et je ne m'en porte pas plus mal. Ma mère a surtout représenté pour moi le pivot de mon enfance, mais là non plus il n'y avait pas de relation à proprement parler. Et j'avais deux frères. Mais eux, ils sont vraiment morts!"

Là, il tiqua un peu par contre...
Non pas par le fait qu'elle le tutoyait, on contraire, c'était une barrière de plus qui sautait, mais dans sa façon de dire "ils sont vraiment morts".
Le ton employait insinuait quelque chose...le musicien se remémora ce qu'il avait raconté...mouairf, elle a du mettre le doigt sur le mensonge du fils unique et devinée qu'il avait une soeur...erf. Peut-être en parlerait-il, mais pour l'instant, il ne se sentait pas suffisament proche d'elle pour lui raconter ce fardeau.
Terrain dangereux dans lequel il se trouvait en ce moment.

"Désolé pour tes frères..." dit-il, lui aussi faisant sauter le vouvoiement.

"Même si notre clan peut paraître comme arrièré à cause de son niveau affectif, il n'en reste pas moins évolué. Les marguays stupides ou faibles sont assez rares... Et le niveau d'enseignement est adapté à la moyenne marguay, et nous apprenons plus vite que les autres hybrides et humains confondus. On a donc dès l'école primaire un programme très chargé, mêlant l'apprentissage normal et un entrainement physique. Suivant nos points forts, nous sommes ensuite classés comme futurs penseurs/diplomates ou exécutants. Moi, je devais faire partie de la deuxième catégorie, car je n'avais pas vraiment de faiblesses, et que ça ne plaisait pas aux chefs du clan de me laisser accéder à un rôle important. Oui, les chefs sont des machos... Par chance, nous les marguays sommes victimes du braconnage, et un de mes camarades scolaires s'est fait tué, donc j'ai pu prendre sa place. C'est ainsi que j'ai quitté la jungle."

Un point que remarquait le hérisson. Son regard était toujours planté dans celui de son interlocutrice. Il se sentait sondé de l'intérieur, celle en face de lui tentant de mieux le mettre sous pression, peut-être...pas de bol, il aimait bien les moulins à parole, et ça ne le dérangeait pas du tout.
La culture margay est intéressante, bien hiérarchisée, une véritable société établit par ce peuple. Viko en avait entendu parler par des livres de géographie locale, mais rien ne valait le témoignage d'une personne qui a vécu à travers cela.

"Il y a eu ma période de collège. Les pires années de ma vie, certainement. J'étais l'élève la plus douée de l'établissement, pas de doute là dessus, mais relationnellement parlant, je n'étais pas glorieuse. Je n'avais aucun amis, et c'était normal, c'était une notion qui m'était inconnue, à cause de l'absence de liens entre marguays. Mais j'ai vite compris que je loupais quelque chose, et ça m'a rendue assez hargneuse. J'étais très jalouse des autres, à cause de ce qui les unissaient. Eux aussi avaient une dent contre moi. J'étais difficile à vivre, méfiante, et je récoltais toutes les bonnes notes. Je me suis beaucoup battue au collège, vu que la seule relation que je parvenais à créer, c'était celle de haine. Les professeurs... C'était assez mitigé. Les profs de langue, de sport et d'histoire ne m'aimaient pas. Quant aux autres, c'était variable. Certains profs de science semblaient presque m'admirer, ceux d'arts et de français étaient assez gênés car les travaux que je leur rendais reflétaient un aspect de moi assez profond, le même qui m'amène à t'alourdir d'un beau monologue. Un aspect qui ne s'accordait pas avec mon caractère taciturne."

Ah, le collège...pas ses pires années, mais pas non plus un souvenir impérissable. Le prof commençait à mieux cerner cette femme qui avait éprouvé de la haine lors de ces années...elle a su rebondir, maintenant, elle est prof de maths. Quelqu'un de fort mentalement, apparemment.

"Et les deux ans suivant le collège, c'était l'âge d'or! Je me suis complètement laissée allée. J'ai tout laissé tomber. Je me suis rendue dans un lycée où je ne connaissais personne. Un grand lycée où la masse nous perdait. Mon caractère a changé, subitement, ou plutôt j'en donnais une impression si convaincante que je m'y suis moi-même laissé prendre. Je glandais. J'arrivais en retard en cours, j'étais parfois absente pour prendre du bon temps, je n'écoutais pas en cours, je n'apprenais pas mes leçons, je ne faisais pas mes devoirs, sauf ceux qui étaient à rendre, et ce sont peut-être ces derniers qui m'ont permi de ne pas décrocher complètement. L'aspect joyeux de cette période, c'est que j'ai réussi à créer des liens, d'amitié cette fois-ci. Des liens très tenaces, qui existent encore aujourd'hui et qui ne cassent pas quand je teste leur résistance. Avec une joyeuse bande, on enchaînait fêtes le soir, apérot le midi, cigarettes lors des pauses ou des alarmes incendies... C'était souvent vers midi qu'on séchait, parfois le matin, quand on se couchait à pas d'heure. Mes notes baissaient, et au départ, j'étais assez frustrée, car je m'imaginais assez intelligente pour pouvoir conserver un bon niveau sans rien faire. J'aurais peut-être pu ne rien faire si j'avais au moins écouté les cours, au lieu de photocopier les notes des autres quand je faisais une sieste sur ma table. Je me suis reprise en main en terminale, car ça commençait à peser sur moi... Je ne me suis pas fait rejeter par mes amis, et au contraire, ils ont suivi mon mouvement. Finalement, j'ai eu mon bac avec une mention très bien."

Mouarf…là, le prof émit un petit sourire en se grattant le derrière de l’oreille. Il repensait aussi à ses propres années de lycée. Tout le contraire d’elle : appliqué, serviable, ne fumait pas…quoiqu’il s’en faisait, aussi, des fêtes. Peut-être pas autant, mais bon. Et le bac, juste une mention bien, mais c’est tout.
Son regard quitta celui de la margay qui arracha trois brins d’herbes pour les noués ensemble. Le regard du musicien se porta quelques secondes sur la bricole végétale de son interlocutrice avant de reposer son regard sur celui de Shakti :

"Après ça, je suis entrée en maths-sup/maths-spé dans un lycée prestigieux, et j'ai continué sur ma lancée en allant à Polytechnique, la deuxième grande école du pays... J'aurais aussi pu entrer dans la première, mais elle forme surtout des professeurs du supérieur, et ce n'était pas ce que je voulais faire à cette époque-là."

Mouarf again, des maths ! Le prof exécrait cette matière, non pas parce qu’il était une tanche dedans, mais plutôt qu’elle ne laissait aucune place à la réflexion personnelle et à l’imagination. Une matière stricte, carrée, froide…
Puis il remarqua le sourire qui apparaissait sur le visage de la margay…ça lui plaisait de s’ouvrir de la sorte ou elle s’amusait tout simplement avec ses brins d’herbes ? Enfin bref, ça la rendait plus sympathique en tout cas.

"En fait, à cette époque, j'avais beaucoup trop d'ambition. J'avais loupé ma vocation en fait, pourtant, j'aurais adoré être professeur, lors de ma terminale, j'aidais mes camarades pour qu'ils rattrapent leur niveau en même temps que moi. En prépa, sur mon temps libre, je donnais des cours à des lycéens. A Polytechnique, lors des examens d'entrée, j'ai fait très bonne impression, car au cas-où tu ne l'aurais pas remarqué, je ne suis pas mauvaise oratrice. Et puis je suis devenue économiste, tout en gardant contact avec mon clan. Mais ça ne m'a pas plu longtemps, surtout parce que j'ai vite trouvé ce métier inutile. Les économistes sont des personnes d'un très haut niveau... Mais ce qu'on fait, ça sert à rien! Nous étions sensés prévoir l'évolution de l'économie, sauf qu'on se trompait tout le temps. Ce genre de choses, c'est imprévisible, le métier d'économiste, c'est juste une couverture pour le gouvernement, qui peut ainsi dire "vous voyez, tout devrait aller mieux", et à la fin de l'année, comme par hasard, tout ce qui est prévu est faux, archi-faux! Les économistes sont des voyants extra-luicides. Sauf qu'ils n'ont pas de troisième oeil mais un bagage scientifique en lequel on peut autant abandonner de confiance..."

Voila une partie de la margay qu’appréciait franchement le hérisson. Quelqu’un qui s’intéressait à son prochain est signe de grande humanité, comme quoi, la première impression n’était jamais la bonne, on a tendance à rabaisser la personne au premier de ses gestes si on ne cherche pas à la connaître plus. Comme quoi…
Le prof refréna un léger sourire quand elle souligna le fait qu’elle était bonne oractrice…

*Nan, j’aurais pas cru O.O’* pensait-il pour lui-même. Un peu grande gueule, aussi, peut-être, non ?
Quant à la question économiste, l’hybride ne put s’empêcher d’acquiescer. L’économie…quoi de plus instable que ce tout qui était encore assez abstrait pour le simple musicien qu’il était ?

"Après ça, j'ai passé une agrégation, et je suis devenue la même chose que toi, professeur! Pas dans la même matière cependant... N'est-ce pas?"

Sur ce, le professeur répliqua au quart de tour, rendant le sourire à la margay :

« N’est-ce pas…toutefois, je suis devenu prof un peu par hasard, sans avoir passé aucune agrégation. Après ma carrière musicale, j’avoue que je savais pas trop quoi faire. J’ai pensé à ouvrir une boutique, mais comme j’adore voyager, rester en place dans une même ville, très peu pour moi. Au fil de mes pérégrinations, j’avais toujours un harmonica ou une guitare sur moi, et à chaque fois que j’avais l’occasion, j’achetais une 6-cordes acoustique pour l’offrir aux gosses des lieux où je passais, et je leur apprenais quelques accords. Je me suis rendu compte que j’aimais apprendre des choses, puis j’ai pensé devenir prof. L’occasion est venue plus tôt que prévue, j’ai été contacté par le directeur du lycée, l’autre encapé, là, et me voila ici. Bon, je reste planté au même endroit et je peux plus me balader autant, mais le métier me plait bien, et c’est ça l’important. »

Sur ce, il reprit sa guitare et se mit à jouer une petite improvisation censée accompagner ses paroles, sans pourtant les chanter. Une sorte de fond sonore, quoi.

« Comme quoi, on peut faire des rencontres finalement agréables un dimanche matin. »

Le prof avait bien souligné le « finalement », se rapportant à leur première altercation dans la salle des profs. Au fond de lui, Viko était pourtant persuadé que c’était avec cette personne qu’il aurait le plus de mal à entamer une conversation.
Toujours grattant, le hérisson observa la margay de la tête aux pieds…rien qu’à voir son allure, ça voyait quand même qu’il ne fallait pas la faire chier, elle, ses yeux parlant pour elle-même.

« J’avoue t’avoir mal jugé. » Lâcha t-il, comme ça, s’étonnant même de ce qu’il venait de dire. Le prof s’arrêta subitement dans sa petite impro’, attendant avec une pointe d’appréhension la réaction de la margay.