Déjeuner avec une amie [Terminé]

Driiiiiiing
- Voila, voila, j’arrive !
Bah ? Qui pouvait sonner à l’appartement de Viko ? C’était le week-end, et il n’attendait personne.
Il lâcha son tournevis et se leva du siège de son bureau qu’il avait transformé en table de bricolage pour l’occasion. Il n’avait pas énormément regardé la guitare que lui avait offerte Lise, c’est pourquoi il décida d’observer comment elle avait fabriqué cette merveille au look ravageur. Mais pas maintenant, quelqu’un avait sonné, et la moindre des choses était d’ouvrir.
Le hérisson, en marchant vers la porte d’entrée, s’imaginait qui pouvait sonner. Le livreur ? Il avait commandé des cd sur internet. Ses voisins Gabriel ou Brush qui avaient besoin d’un machin quelconque ? Mike qui allait lui proposer une virée ? Un élève qui n’avait pas bien compris le cours ? Le prof effaça la dernière option de sa tête, il n’avait laissé son adresse à personne.

Il regarda à travers le petit judas de porte.

- Naaaaaaaan ?

Il reconnu rapidement ce corps aux belles formes. Sans tarder, Viko prit la poignée de la porte et ouvrit avec un grand sourire.
- Lise !
- Viko !

La chatte se jeta sur le hérisson en l’enlaçant avec force. C’était une belle jeune femme aux cheveux oscillant entre le brun et le rouge. Elle était habillée d’un simple jean, d’une chemise et d’un gilet de voyage. Derrière elle se tenait une petite valise.

- Eh bien, t’es de passage ? Demanda le hérisson en la regardant de la tête aux pieds. Toujours pas changée, celle là, énergique et bien portante. Et puis comment t’as eu mon adresse ?
- C’est Mike, je l’ai eu au téléphone, je voulais te faire la surprise de débouler comme ça. Je dérange pas, j’espère ?
- Oh non, non, non ! Entre ! Répondit-il en prenant la valise. Alors, raconte, que me vaux ton passage ici ?
La chatte resta un moment silencieuse en regardant tout l’appart’. Aujourd’hui, il était un peu en bordel malheureusement, mais bon, il n’y avait rien de compromettant là dedans.
- Et bien, il se trouve qu’il y a une réunion des plus grands luthiers mondiaux dans la ville voisine. Je vois que t’as encore démonté une de mes guitares pour comprendre le fonctionnement.
- Et je n’y comprends absolument rien, comme d’habitude. Foutre trois double-micros, c’est un véritable tour de force.
- Ehe, tu me montre ta chambre ?

Le hérisson ne se fit pas prier et lui montra son petit sanctuaire. Une petite pièce composée d’un lit, un bureau, quelques instruments en vrac et une bibliothèque comprenant des cd et des livres. Bien sur, ajoutons-y un placard.
- Donc, voila mon paname. Il te plait ? J’imagine que tu restes pour dormir, alors voila où tu coucheras.
Pas de réponses. Interloqué par ce silence, le prof se retourna et se fit soudain pousser sur le lit par Lise. Tout de suite après, elle bondit sur lui et s’allongea dessus de tout son corps.
- Oh, il me plait beaucoup, ton paname…j’ai envie de tester l’insonorisation de la pièce…
Rhàlàlà, pas étonnant. Le prof répondit par un petit sourire qui voulait tout dire avant de commencer à balader sa main en dessous de la chemise de la chatte…

Une heure plus tard.

- Mmh…seulement 11 heures ? S’exclama Lise en reboutonnant les boutons de sa chemise. Et si on mangeait quelque part ? Je ne connais pas du tout les environs.
Viko ne répondit pas, il sortit de la chambre, légèrement rêveur, et sortit d’un vieux coffre calé dans un recoin deux casques de moto. La réponse était oui, et ils allaient y aller en Daytona. Mais où ? Ah oui, il y avait un chouette resto’ en plein air au centre-ville.

La Daytona traçait la route. Le hérisson avait enfilé un blouson de cuir et Lise avait enlacé ses bras autour de la taille du conducteur, habillée elle aussi de sorte à couper au maximum le vent. Tout les deux portaient un casque entier à la visière noire, ne laissant pas paraitre le visage des deux hybrides. Ils arrivèrent enfin dans les quartiers plein de vie du centre ville. Quelle chance, il faisait beau et chaud, pas un pet de vent, pas une ombre de nuage. C’était la journée idéale pour sortir.
Le musicien réduisit la vitesse et se gara près du restaurant.
On voyait les regards envieux de certains passants. Une belle moto, et une belle nana. Le hérisson ne se rendait pas trop compte de ça à vrai dire, mais il sentait bien qu’on l’observait. Il profita pour utiliser les sécurités installées chez Big Black Motor’s. La première était un bête mini-bloc qui s’accrochait sur les rayons de la roue avant. Impossible de faire un seul tour de roue avec ce machin minuscule, discret, et pourtant si efficace sur les rayons.
La seconde sécurité est une nouvelle technologie. Un tout petit élément du contacteur était détachable. Sans ça, la moto ne pouvait pas démarrer. Même la troisième sécurité, une clé magnétique, ne pouvait pas faire démarrer la bécane.
Autant de sécurités pour ce pur sang que le hérisson bichonne, et qu’il sait dans le collimateur de certains troubles fêtes. Mais bon, aujourd’hui, il avait sa bécane en visuel, il ne devrait pas y avoir de problèmes.

Les deux hybrides cherchèrent ensuite une place au soleil. Et bien, décidément, qu’est ce qu’il faisait beau aujourd’hui. Ils prirent le menu et regardèrent rapidement ce qu’il y avait à manger.
- Bon, j’vais commander, les serveurs mettent trois plombes à venir d’eux même, ici. Dit Viko en quittant la table.
Du coup, Lise se retrouva seule un moment. Elle regarda le hérisson s’engouffrer dans le restaurant avec un sourire. Elle était heureuse de voir qu’il n’avait pas changé.
- Eh, ma d’moazelle ! Qu’est ce tu fous avec ce minable ?
La chatte tourna la tête, attirée par une voix qui sentait bon l’intelligence. Un grand et musculeux léopard avait remarqué la belle hybride. L’énergumène était accompagné de toute une bande qui la sifflait. Il se rapprocha et posa sa main sur la table.
- Allez, qoa ! Viens t’éclater avec moa !
De son autre main, il agrippa le bras de Lise.

BAM !

- C’était quoi ce gros bruit ? Demanda Viko au barman.
- Aucune idée.

Le léopard était…hum…disons que sa joue gauche avait gonflé et rougit pour une raison inexplicable. Tout aussi inexplicable, le fait qu’il se retrouva soudain gueule à terre.
- Non merci. Répondit tout simplement la chatte en prenant ses petites lunettes de vue pour se plonger dans la lecture d’un bouquin en attendant le retour de l’hérisson. Je préfère les hérissons qui ont une grosse moto.
Hérisson qui revint quelques instants après.
- J’ai pas été long ?
- Juste le temps qu’il fallait.

La journée allait être bonne…tiens, c’est pas une connaissance du lycée, là, au loin, qui se baladait par cette belle journée ensoleillée ?

Lise se massait un peu la main. Viko lui avait demandé ce qu’il s’était passé, mais rien de bien méchant. Juste un élément perturbateur d’après elle, genre avec une bite à la place du cerveau. Si ce n’était que ça, après tout…
En attendant, les deux hybrides discutaient âprement de tout et de rien. Chacun se racontait sa vie, le hérisson racontant ses déboires avec certains élèves et ses joies avec d’autres, ainsi que l’histoire de la salle des profs et tout ce qui agrémentyait une vie de prof bien remplie. C’était enrichissant pour lui, et en causer était un plaisir, plaisir que Lise prenait à entendre.
Quant à elle, c’était ses voyages qui étaient au centre de la discussion quand c’était au tour de la chatte de parler. Des conventions, des concours…petit à petit, son entreprise commençait à prendre de l’ampleur, si bien qu’elle a commencé à employer ses premiers travailleurs, à contrecoeur. Elle adorait fabriquer des guitares, et c’était pour elle un plaisir égoïste.

Puis soudain, un gros bruit. Un boucan venant d’une fusée qui passait sur la route. Les deux hybrides, ne s’entendant plus sur le moment, jetèrent un regard rapide sur la route, avant que l’énergumène aille plus loin.

- Il pourrait faire ça plus loin, lui. Dit la chatte quand l’ambiance redevenait plus calme. T’as vu un peu sa vitesse ? Il est malade ce gars.
- Mmmh, plus on en a une grosse, plus on aime le clamer, c’est ça les mecs. Répondit le héreisson en riant. Enfin, certes, un peu malade, ce type.
- Bon, et sinon, pour le groupe alors ? Tes compositions avancent ?
- Ooooh oui, je suis assez inspiré en ce moment, j’ai déjà envoyé à Mike quelques compos, histoire qu’il ajoute sa touche si particulière.
- Ah, les plats arrivent.

Les deux hybrides tournèrent la tête vers le serveur qui cherchait du regard la table n°14. Le hérisson fit un signe de la main. Soudain, un bruit strident, au loin.
- Ah, ça c’est notre fou de la vitesse qui a pilé. Un bon 30 mètres qu’il a du faire, à entendre la chose. Bon, oublions ça, maintenant, à la bouffe !
Le serveur, un panda à l’allure bien sympathique, déposa les assiettes. Les deux hybrides avaient chacun commandé une assiette avec deux croque-monsieurs. Fanas de fromages et de croustillants, c’était le plat idéal.
- Bon appétit ! Clama la chatte en prenant son premier croque’.
Viko le lui rendit, et chacun commençait à déguster.
- Ah, j’y pense…
- Oui, ok, je ferai le porteur, t’adore le shopping et je vais encore me trimballer tes achats. T’es d’un prévisible.
- Rôh, tais-toi.
- Si j'avais cru vous voir sur une Daytona un jour ..."
- Heing ?

Les deux hybrides tournèrent la tête vers la voix…le fou à moto ! Le hérisson et la chatte observèrent ce type avec un sentiment mêlé d’agacement, chacun se retenant de lui faire remarquer son inconscience au guidon, et d’incompréhension. Qui était ce gars ?
La voix disait quelque chose au hérisson. Il macha lentement ce qu’il avait dans la bouche en observant le pilote, non sans se tenir un peu sur ses gardes.
Mais ce gars avait toutefois eu la décence de retirer son casque. Le prof fronça les sourcils, Hunter ?

- Mademoiselle Lita, c'est un plaisir de vous revoir. M'sieur Kage ... Ben pareil.

Froncement de sourcil, cette fois sur le visage de Lise. D’où qu’il la connaissait ? La chatte posa son regard sur le visage de Viko qui la dévisagea silencieusement, tout en continuant de macher son bout de croque’. Toutefois, ce visage lui disait vaguement quelque chose. Le hérisson avala son bout et répondit à son amie :
- Un élève en terminale.

- En tout cas, j'me serai jamais attendu à vous voir tous les deux ensemble. M'enfin j'aurais du m'en douter, m'a semblé voir votre travail sur l'une des grattes de m'sieur Kage.

Que répondre ? Les deux hybrides observaient encore silencieusement l’échidné. Mais aujourd’hui, c’était le Hunter le causant apparemment.

- J'ai enfin pu mettre un nom sur le proprio de cette moto. J'crois que j'vais vous laisser.

Ne reconnaissant toujours pas cette personne, Lise acquiesca silencieusement, tandis que le hérisson porta son regard, toujours anxieux, sur la bécane de l’échidné. Il soupira discrètement.
Mais qu’est-ce que c’était que ce truc ? Le prof cherchait comment un concessionaire avait pu vendre une de ces bécanes à un mineur ? C’était le motard qui pensait : d’un regard totalement neutre il avait bien vu que Hunter faisait son inconscient. Fougueuse jeunesse, certes, mais jeunesse qui n’avait pas encore la maturité nécessaire, surtout pour un tel engin.
Même en voyant qu’elle avait été customisée, c’est justement cela qui inquiétait le hérisson. Il avait gonflé le moteur de son char d’assaut à combien ?

- Je suis pas ton père Hunter, mais…

Il reposa son regard sur l’échidné et continua sur un ton calme.

- …le type qui t’a vendu cette bécane est tout simplement irresponsable.
Puis claquement de doigt de la part de Lise.
- Voila ! Hunter, je me disais bien que je t’avais vu quelque part, ancien client si je me souviens bien.
Elle s’arrêta dans sa phrase, et reprit, sur un ton toutefois moins froid que le motard invétéré :
- Viko a raison. Un jeune avec un machin pareil, je sens que ça risque de mal finir.

Silence. Oh, le hérisson n’était pas fâché, il n'avait aucune raison, mais quand même, si il pouvait être une prévention contre un accident futur, il hésiterait pas. Encore faut-il que l’échidné comprenne qu’il n’a certainement pas encore la sagesse nécessaire à son âge pour conduire correctement un monstre comme ça.

"Vous inquiétez pas pour ça ! Si vous saviez depuis combien de temps je conduis ce genre de trucs ..."

C'est-à-dire depuis juste quelques années. Bah oui, l’échidné avait…17 ans, non ? Cette phrase n’avait pas vraiment convaincue le hérisson qui regardait toujours son élève avec un regard quelque peu interrogatif.
Regard semblable dans le visage de Lise. Elle souria toutefois, maintenant, elle se souvenait de cet échidné. D’un côté, elle était amusée qu’il n’ait pas changé, il est vrai qu’il a fallu trouver des matèriaux solides pour fabriquer sa gratte, mais son gout pour les trucs « tankés » n’avait pas changé. Elle désapprouvait elle aussi pour la moto, elle aussi étant motarde.

"Je sais que les limitations et moi ça fait deux, mais je n'oublie pas que je ne suis pas seul sur la route. Bon, parfois, je fais deux-trois trucs à la limite de l'inconscience, mais je gère mon affaire, que vous le croyiez ou non."

Les deux hybrides se regardèrent. Ouais, nan, le pire est que cet échidné se rendait compte de son inconscience et malgré ce fait, il continuait de jouer avec la vitesse.

"Difficile à croire sortant de la bouche d'un jeune qui a déboulé comme un fou il y a cinq minutes à peine ... Bref, passons. J'ai pas envie de vous déranger, mais je dois vous avouer que j'ai une folle envie de voir la Daytona à l'œuvre."

Allons bon. Viko aimait bien Hunter, certes, mais honnetement, si il y avait une dernière chose qu’il désirait aujourd’hui, c’est qu’un élève s’incruste. Le professeur observa l’échidné qui avait tiré une chaise. Le musicien évita de montrer son agacement, idem pour Lise qui voulait surtout rester avec son hérisson adoré. C’est que ça faisait si longtemps qu’elle ne l’avait pas vu, et avait encore mille et une choses à lui dire.

"Et puis...Vous pourrez constater certaines choses par vous-même."

Consternation. C’était quoi comme sous-entendu, là ? Une demande de défi sur un 400 mètres ou une bourre sur un circuit improvisé ? Le prof regarda d’abord Lise, qui continuait à manger son croqu’, mais avait la mine légèrement assombrie. Elle avala le premier de ses deux sandwichs au fromage, et reposa son regard sur le hérisson. Ce dernier comprit tout de suite : elle aussi voulait qu’il jarte le plus vite possible.

Et c’est ainsi que Viko se mit à réfléchir, oui, ça lui arrive.
Il observa la moto de Hunter. Mmh, bon. Customisée aussi, mais ses années nombreuses d’expériences lui avait permit de voir quelles genres de modifs’ une bécane avait eu.
Froidement, autant qu’un ordinateur, il analysa tout les éléments extérieures. Par rapport à sa Daytona, la RR n’a jamais été considérée comme une sportive européenne, mais comme une Muscle Car Américaine (dommage Hunter, toi qui aime pas les trucs américains), soit un truc puissant et rigolo, mais au final, pas des plus maniables. Cela se doit déjà à son look « gueule d’acier » qui tire un peu vers les Harleys, ces dernières n’étant pas non plus les plus taillées pour les courses aux virolos en forte quantité (dommage again, toi qui aime pas les Harleys, c'est lma presse spécialisée qui le dit sur le coup)
Le hérisson se disait que même avec ce qu’il aurait pu installer pour tenir le parquet, le Hunter ne pourrait pas faire mieux dans les courbes que l’agilité naturelle de la Daytona 675 standard à sa sortie d’usine, surtout que la sienne a été retaillée spécialement. Autre point noir, c’est que pour installer des reposes-pieds qui ne frottent pas les petites départementales, il aura beau avoir le meilleur bricolo’ du monde, il va ramer, même avec le rehaussement du châssis. Les roadsters, ça se conduit à ras du sol, si tu remonte trop le châssis, tu perds extrêmement en maniabilité.
Toutefois, là où Gueule d’acier est dangereuse, c’est justement par son naturel « Roadster », soit par sa capacité à mettre quelques sacs dans une ligne droite dès le démarrage. Un bidule surmotorisé, d’après ce qu’il en est. Le prof se disait qu’il pouvait gérer facilement la chose, mais toutefois, loin de lui était l’idée de passer la cinq aujourd’hui. Certainement pas envie d’user de ses 150 chevaux, les 25 derniers étant quand même des boost-us. Mais ce n’était en tout cas pas les probables améliorations du moteur de la RR qui allaient lui faire peur.
En gros, Viko avait l'agilité pour lui, le Hunter avait la puissance...puissance ?

Idée !


« Je pense surtout que tu constateras que je risque de t’apprendre autre chose que de la musique. Laisse nous bouffer, veux-tu, je m’occupe de ton cas ensuite. »

…

- Nan mais Viko, quand même. Tu aurais pu faire ça plus tard.
- C’est que ça ne prendras que quelques minutes, ma chatte. Au moins après, on sera tranquille de la journée et il me fera pas la gueule quand je retournerai en cours.
Oui, c’était un petit surnom qu’adorait donner le hérisson à Lise. Le reste du déjeuner se passa tranquillement, le hérisson tentant de faire en sorte que Lise arrête de bouder. De toute façon, elle l’aura, son après-midi shopping.
Bon, après ça, ‘fallait lui donner une leçon de pilotage, au jeunot.

"Avec plaisir. Je sais que je ne fais pas le poids dans les virages ... Dites-moi, vous ne comptez pas faire la course, quand même ?"

Le prof observa son élève avec un regard qui ne laissait rien transparaitre. Si ce n’est que le petit sourire en coin qu’il laissa transparaitre.

- C’est une option que je n’envisage pas pour l’instant.

Le musicien avait pris à contre-pied l’expression de défi qu’il affichait sur son visage, où comment semer le doute à l’interlocuteur qui posait une telle question. Bon plan histoire de voir si il avait les couilles de vouloir le suivre dans la cadence infernale qu’il allait lui imposer si l’échidné voulait voir ce qu’avait la belle anglaise dans le ventre.
Bon, d’ailleurs, l’élève repartait vers sa bécane. Tant mieux, au moins Viko pourra terminer son déjeuner avec Lise tranquillement, en espérant juste que Hunter ne revienne pas à la charge.

- Z’ont pas les couilles, les jeunes aujourd’hui. Dit-il à son interlocutrice en s’avalant un bout de croque’. La chatte lui répondit avec un sourire. En tout cas, le hérisson pensait que Hunter avait compris le message, il repartait, le bruit de sa bécane pour preuve, et sans se retourner. Il n’était pas né, le branleur qui allait lui donner une leçon de conduite, lui qui avait pu rouler partout dans le monde.

Un quart d’heure plus tard.

- J’ai bien mangé, j’ai bien bu, j’ai le ventre bien tendu ! Chantonnaient les deux hybrides après avoir fini leurs assiettes. Ils demandèrent l’addition et payèrent. Tandis qu’ils se levaient et s’apprêtaient à partir, un bruit de moteur se faisait entendre. Encore Hunter ? Et sur une autre bécane ? Il voulait pas un peu le lacher, lui ? Déjà l’autre Diokine, maintenant, lui…
Le prof regarda rapidement. Une Speed Triple ?
Uhu…un sourire mauvais apparraissait sur le visage du prof. On veut faire joujou avec une nouvelle roadster un peu plus taillée sportive ? C’est que ça arrangeait le prof à vrai dire.
- Bon, attends une seconde s’il te plait Lise. Plus vite je m’en occuperai, plus vite on ira aux magasins.
La chatte soupira, toutefois avec un petit sourire.
- Toi et la moto…allez, va, et montre ce qu’est le hérisson qui a pu s’essayer au Tourist Trophy !
Et oui, lors du tournage d’un de ses clips pour son groupe, Viko était arrivé en début juin à l’ile de Man. Sa passion pour les motos avait déjà été révélée à l’époque, et il put faire quelques tours d’essais, non pas en tant que compétiteur, mais en tant que simple guest-star. Au final, il s’était fait mettre avec pas mal d’écarts par John McGuiness, un humain et pilote d’exception qui était fan de la musique de Viko, mais au moins, le hérisson s’était targué de lui avoir fait un fabuleux extérieur suite à un freinage tardif.

Le hérisson prit son casque et s’approcha de son élève. Tandis qu’il rejoingnait l’échidné, il analysa une nouvelle fois la moto. Le jeunot était fan de roadsters, même avec cette allure qui reste un peu plus sportive, dans les tournants, la 675 restait plus fluide. Toutefois, la ST était plus une version « muscle » de la 900 Daytona, la moto qui était au stade « supèrieure » de la 675. La ST avait donc un lointain lien de parenté avec sa propre bécane. Mais le truc est que cette moto, dessinée et créée par Triumph, avait avant tout été pensée pour les humains et non les hybrides. Ainsi, en dessous de 1m70, la moto est très compliquée d’utilisation. Viko put quand même constater des améliorations pour les petites tailles, mais il doutait du coup de la maniabilité de la chose, surtout que ce modèle restait pourtant assez simple d’utilisation.
D’ailleurs, cette moto n’est pas des plus confortables, très large et qui n’aide pas, et ça, le prof allait en jouer. Vu les rayures, certes que ça ne devait pas le déranger, l’autre échidné, mais si il s’amuse à lui sucer sa roue, il va vite comprendre sa douleur.

- Donc…je vais être honnête, je vais pas rouler longtemps, j’ai une amie qui attend. Bon, je te suis, démarre ta meule.

Lui, après avoir retiré ses sécurités, se cala sur sa pure sang anglaise, et commença à faire rugir le moteur. Il démarra doucement, et alla sur la route à vitesse réduite en attendant que l’autre jeunot se ramène.

*Tu m’excuseras, mais tu vas vite comprendre ta douleur… *

Viko pensait…derrière son casque à la visière noire, il observait l’échidné avec méfiance. En musique, il voyait là un élève agréable, mais si il pouvait le calmer de la moto jusqu’à ce il prenne son dix-huitième balai et passer son permis, il n’hésitera pas une seconde. Jeune, inconscient, et branleur, surement qu’il croit maitriser sa bécane comme un pro, mais le hérisson ne voulait pas que Hunter fasse la même connerie que lui.

Une connerie qui datait de quand il avait lui aussi dix-sept ans, et s’était amusé à piquer la moto de son père…

Il faisait blanc. L’odeur stérile de l’hopital. Un homme en blouse regardait le hérisson. Ce dernier ne savait pas où il était. Toutefois, il devinait que son interlocuteur lui parlait, ses lèvres bougeant. Mais il n’entendit rien dans un premier temps, juste un sifflement sourd qui s’apaisa graduellement, laissant la voix rauque du médecin s’entendre.
-…en tout cas mon p’tit, vu l’état de la moto, je peux te dire que tu as malgrès tout eu beaucoup de chance.
De chance ? De quoi il parlait celui-là ? Et la moto…la moto…
Le jeune hérisson se souvenait juste d’avoir essoré une poignée, avoir roulé, puis il y eu ce virage…
Peu à peu, ses souvenirs commençaient à émerger. Clouer sur ce lit, il distinguait peu à peu ce qui lui était arrivé. Mais en même temps qu’il retrouvait sa lucidité, la douleur revenait. Dans les bras, les jambes, un peu partout sur son corps étaient étalés de nombreux bandages.
- Laissez moi voir mon fils, merde ! Beugla une voix dans le couloir.
Puis soudain, une grande silhouette apparut. Il était vraiment grand le père Kage, quand même. Du moins, il fallait voir la mine du médecin, assez surpris. Ce dernier laissa entrer le paternel, et hésitant sur le moment, laissant au final le père et son fils seuls, après avoir refermé la porte derrière lui.
Un silence, lourd et pesant. Viko avait la gorge nouée, et ne savait pas quoi dire. Mat’, quant à lui, le regardait avec un air qui lui disait rien qui vaille.
Ce dernier se rapprocha, et entama la conversation par un mot dit sur un ton presque colérique :
- Toi…
Puis, sans crier gare, il pris son fils dans une forte étreinte, le ton de sa voix changeant subitement :
- …ne me fait plus jamais une peur pareille.
Le jeune hérisson ne savait pas quoi dire. A vrai dire, il était abasourdi. Jamais son père ne lui avait montré ne serait-ce qu’une franche sympathie, mais là, il sentait que l’architecte se retenait de pleurer. C’est avec mille et une peines que Viko balbutia un début de phrase.
- J’ai…ta moto…
- Au diable ma moto, j’en ai rien à faire tant que tu es là, toi.
Le jeune hybride soupesa ces mots. Jamais il aurait cru entendre cette phrase de la bouche de son père. Il ferma les yeux, et commença à pleurer. De tristesse.

Mais aussi de joie.

"C'est pas joli-joli, tout ça !"
Le hérisson fut tiré de son souvenir par la voix de l’échidné. A chaque fois qu’il enfourchait sa belle anglaise, il repensait à cet instant à la fois tragique et magique qui l’avait réconcilié avec son paternel, les deux renforçant encore plus leurs liens à travers cette belle mécanique à deux roues. Pour lui, la moto était plus qu’un moyen de locomotion. Mais ce que ça valait réellement pour lui, ça, il se le gardait pour lui-même. Il n'allait pas le dire, mais il allait le démontrer à ce jeune...

L’hybride laissa Hunter passer devant, ce dernier lui faisant un « 4 » de la main. Tss, la 4…avec ce qu’il allait lui faire faire à ce pauvre hère, passer cette vitesse, la trois restera suffisante. L’échidné se remit au niveau du hérisson, et lui fit signe de passer devant.

Le hérisson fit non de la tête.

Soudain, il baissa très légèrement le régime, et se retrouva derrière sa « proie ».
Derrière son casque, Viko restait impassible, toutefois, un petit sourire apparaissait sur son visage. Il donna ensuite un coup d’accélérateur et se retrouva derrière la roue d’Hunter.

Très, très près.

Viko rapprochait fatalement sa roue avant de la roue arrière de son élève. Son but était simple : faire l’aspi’, et ainsi récupérer l’aspiration produite par la moto du Hunter.
Mais pas une simple aspi’ dans le seul but de le dépasser, oooh non, ce n’était même pas son but. Mais au contraire, il allait le pousser à bout, pousser sa bécane, l’obliger à passer la cinquième.

Sur ce coup, le Viko sympathique rentra au vestiaire pour laisser place au chasseur, le « Traqueur » comme on le surnommait. La spécialité du hérisson était de rester intentionnellement en arrière, mais toujours en obligeant sa cible à accélérer pour ne pas qu’elle lui roule dessus. Les solutions étaient simples : soit distancer le hérisson, ce qui n’était pas encore arrivé grâce à l’aspiration dont le fin motard savait en tirer le plus grand bénéfice, soit se caler sur le côté et laisser l’autre pilote à la Daytona passer, le malheureux se disant que décidément, tenir cette allure était presque du suicide.

Et Viko se l’était promis : il ne passera pas la cinquième aujourd’hui, l’aspiration donnée par la bécane de l’échidné lui donnait une opportunité de ne pas encore entamer la quatrième. Et ce pauvre et jeune pilote servait de pare-air, perdant ainsi un petit kilomètre/heure. Ce n’était rien, mais c’était tout.
Toutefois, le hérisson accéléra, encore, encore, sa roue n’étant plus qu’à quelques centimètres, dangereusement prête. Il restera collé au cul du jeunot. Mais jusqu’où sera-t-il prêt à pousser sa bécane avant de céder, le jeune ?

Leçon n°3, et surement la dernière, une chatte attendait : Démontrer que la Daytona 675 est un chasseur impitoyable.

Un pouce levé ?
Abandon. Le prof dé-accéléra et laissa Hunter se garer sur le bas-côté. Il le rejoint et se gara à côté, coupant le contact du moteur. Brave bête, petite Daytona. Même tes petites soeurs qui ont pourtant plus de chevaux sous le capot ne peuvent pas encore rivaliser avec toi. Même si le prof n'avait pas trop de mérite, l'échidné restait encore un simple bleu. Toutefois, Viko espérait qu'il laisserait sa bécane au garage un moment, le but était de lui faire plus une grosse frayeur qu'autre chose.
Mais le sourire du hérisson s'effaça derrière son casque en observant la mine de l'échidné. Au contraire, il était tout heureux de cette démonstration de pilotage et de la Daytona.

"Belle démonstration. Par contre, le coup du carbu ..."

"Disait-il alors que sa moto en est probablement équipée." Répondit le hérisson en retirant son casque, histoire de respirer.

"C'était fourbe, ce dernier coup. Je manque de technique sur ce point-là ... Enfin, je pense surtout que vous auriez fortement déprécié l'arrivée de mon casque sur le votre."

Le prof fit non de la tête.

"Ce n'est pas fourbe, ce n'est qu'une technique comme une autre. Et j'aurais fortement déprécié, oui...

"La prochaine fois, vous ne m'aurez pas comme ça."

Le hérisson regarda la route. Jeune et inconscient à 17 ans, il a la désagréable sensation de se revoir dans Hunter. Le problème est que lui a eu un accident qui a failli lui couter la vie, mais qui au final, a été pour lui un déclencheur d'une nouvelle relation avec son père. Il avait la désagréable sensation que l'échidné restait bloqué à ce stade d'avant-accident. Mais d'un autre côté, ce jeunot n'était pas lui, et inversement, il avait vécu d'autres choses. Mais c'est ce caractère qui dérangeait Viko. Il était déçu : il n'avait pas su apprendre à Hunter ce qu'il voulait lui transmettre : Attendre la maturité nécessaire avant d'enfourcher une moto. Le visage du prof laissa paraitre pendant un instant un petit sentiment de tristesse, avec un sourire forcé.

"Il n'y aura pas de prochaine fois. Bonne journée Hunter."

Il mit son casque, et alluma rapidement la moto avant de s'en aller rapidement rejoindre Lise. Il s'en voulait vraiment sur ce coup. C'était exactement le contraire qu'il avait fait. Tout ce qu'il esperait maintenant, c'était que l'échidné se calme de lui même pour ce qui est de la moto. Il arrivera un accident, un jour...

- Ah...je vois. Tant pis, tu l'auras prévenu, au moins. Répondit Lise après le récit du hérisson.
- Mmmh, je ne pense pas, 'suffisait de voir la gueule de sa moto avec les éraflures. Bon...allez, on oubli ! Programme shopping !

EZt Viko passa le reste de l'après-midi à servir d'esclave à sa chère amie....

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